Le grand musée populaire de Sarkozy

Publié le par PL

Georges Pompidou, sensible à l’art contemporain, a créé Beaubourg. Le bâtiment à la façade de tuyaux et d’échafaudages a été à l’époque, et pendant longtemps, l’objet de toutes les critiques. Les œuvres exposées ne sont pas toujours du goût de tous, mais Beaubourg est aujourd’hui un musée incontournable.

Valérie Giscard d’Estaing, plus classique, a voulu donner un écrin aux chefs d’œuvres de l’impressionnisme, tant décriés à leur époque. Après quelques hésitations son successeur l’a terminé et le musée d’Orsay est l’un des plus beau du monde.

François Mitterrand, président Pharaon, a laissé de nombreuses traces culturelles et notamment le Grand Louvre et sa Pyramide, alors objet de toutes les récriminations.

De Jacques Chirac on a longtemps pensé qu’il en serait pour la culture comme du reste : qu’il n’en resterait rien ; mais il s’est rattrapé in extremis avec le Musée du quai Branly qui rassemble les œuvres « primitives » qu’il affectionne tant. La pauvreté du bilan de Chirac fera-t-elle que ce musée deviendra tôt ou tard « le quai Branly du grand branleur » ? Il sera malgré tout un grand succès.

Si l’on sait ce que nous promet Nicolas Sarkozy en terme de politique sociale – le CNE pour tous, plus de surveillance et de répression pour chacun – on peut, suite à certains de ses propos, s’interroger sur le grand apport culturel qu’il nous laissera. Car, comme il l’a dit chez Drucker, représentant de la maïeutique moderne, Sarkozy aime ce que le peuple aime : le foot, le tour de France, Johnny Hallyday, Christian Clavier. Pourquoi pas ? Il a le bien droit de ne pas être sensible à Monet, Matisse, Picasso, Buffet, Klein ou Soulage ; il a bien le droit de préférer Johnny à Mozart,  Miles Davis, Philip Glass ; il a bien le droit de préférer le foot à l’escrime, le tour de France au water-polo ; il a le bien le droit de préférer les bronzés 3 à un film iranien triste à pleurer et sous-titré en Afghan !

Ce qui est plus gênant, c’est quand il ajoute « on ne peut pas aimer le peuple si on n’aime pas ce que le peuple aime ». Tiens donc. D’abord, tout le peuple n’est pas unanimement adorateur des icônes citées plus haut ; une majorité c’est probable, mais pas tout le peuple. Sarkozy entend-il dans sa déclaration que la majorité lui suffit,  qu’il n’a pas besoin de plus pour être élu. Et lui, qui petit était écœuré par le saumon sous cellophane qui fait « trop pauvre »*, qui vie depuis toujours à Neuilly, aime-t-il réellement tout ce que le peuple aime ? Et s’il préfère TF1 à Arte, comme vous, est-ce vraiment pour les mêmes raisons ?

Laissons-lui le bénéfice du doute et imaginons alors le grand projet culturel qu’il nous lèguera à la fin de son règne.

Ce pourrait être une grande cité, sur le modèle de la cité de la musique ou de la cité des sciences : la cité du Libéralisme. Offrant enfin un poste à sa hauteur à Jean-Marc Sylvestre, elle comprendrait un pavillon des enfants où les vertus du libéralisme leur seraient clairement exposées ; le musée du fonctionnariat présenterait les vieux métiers oubliés ; une université efficace – certes aux frais d’inscription quelque peu élevés, mais on n’a rien sans rien – dispenserait les dernières théories économiques chinoises ; le temple au Medef, dont le dôme serait orné de la statue chryséléphantine du baron Seillière de Laborde, grand bienfaiteur de l’humanité…

Autre possibilité, un grand musée des arts populaires où serait, pour la première fois, réuni en un même lieu ce qui unit le peuple et son guide. Le hall d’entrée mettrait en évidence quelques pièces maîtresses : les statues en cire, transférées du musée Grévin, de Johnny, Didier Barbelivien et Christian Clavier. Sur la droite, l’aile Poulidor dédiée au tour de France exposerait photographies, vélos et maillots. L’aile gauche serait dédiée au foot et bien que certains puristes regretteraient l’absence du maillot de Lilian Thuram et sa disparition des photos de l’équipe de France – pourtant bien méritées en raison de ses positions outrancières – la qualité des pièces exposées seraient unanimement reconnue, et l’ont viendrait de loin pour admirer la pièce maîtresse, le bronze à la façon de Camille Claudel intitulé « Zidane : coup de tête à Materazzi ». La zone centrale serait exclusivement dédiée à la grande chanson française : les disques d’or de Johnny, achetés à grand frais par l’Etat, y seraient sublimés ; les pochettes de disques des grands chanteurs résistants composeraient une mosaïque chamarrée ; ces braves qui ont su résister à la pression fiscale et à la chienlit socialiste auraient une place méritée dans la mémoire du peuple ; cet espace serait sonorisé par les œuvres intemporelles léguées par ces héros populaires ; les droits d’auteurs payés par l’Etat à la SACEM pour leur diffusion permettraient de compenser partiellement le préjudice causé aux ayants droits par les pertes subies à l’époque pré-Sarkosienne. Ces trois espaces se rejoindraient enfin dans la dernière salle, quelque peu décriée car plutôt avant-gardiste mais qui serait dédiée à l’un des personnages préférés des français. Cette pièce de forme cylindrique, plongée dans une légère pénombre, offrirait en son centre huit écrans géants disposés en un volume à section octogonale diffusant chacun de cours extraits des scènes d’anthologie de Christian Clavier. Les haut-parleurs disposés tout autour de la pièce diffuseraient, l’un après l’autre, créant ainsi un tourbillon sonore, les répliques favorites des masses populaires telles le célèbrissime « Okéééééé ».

Ce serait un bien beau musée ; enfin à la hauteur des vraies attentes du peuple !

*Article du Nouvel Observateur dont j’ai oublié la date.

Publié dans leplec

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