Des intégrations nationales
En ces temps incertains où l’on ne saurait parier ni un flashball dernier cri sur un sinistre agité libéral, ni un loukoum à la rose sur une socialiste drapée d’une étoffe tricolore et encore moins un caramel mou sur un centriste de la même consistance, j’ai décidé, en bon français bien prudent et fidèle aux traditions, d’anticiper sur les événements afin d’être sûr de plaire à notre prochain président.
Pour combler Ségolène, j’ai couru les boutiques de médailles et étendards à la recherche d’un drapeau tricolore en satin. J’ai fait ériger dans mon jardin, près du portail, un mat métallique de douze mètres de haut au sommet duquel je peux hisser, dès potron-minet, les couleurs de la nation. J’ai aussi révisé quelques couplets de la Marseillaise :
Amour sacré de la Patrie
Conduis, soutiens nos bras vengeurs
Liberté, Liberté chérie
Combats avec tes défenseurs (bis)
Sous nos drapeaux que la victoire
Accoure à tes mâles accents
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire
Pour exaucer les vœux de François, j’ai choisi de réactiver ma foi, vaincue au crépuscule de ma communion solennelle par le triomphe de la raison sur la tradition. J’ai installé sur le faîte de ma maison une statue de vierge dorée devant laquelle tout le quartier peut se prosterner ; j’ai aussi révisé quelques psaumes :
2 Seigneur, qu'ils sont nombreux mes adversaires,
nombreux à se lever contre moi,
3 nombreux à déclarer à mon sujet :
"Pour lui, pas de salut auprès de Dieu !"
4 Mais toi, Seigneur, mon bouclier,
ma gloire, tu tiens haute ma tête.
5 A pleine voix je crie vers le Seigneur ;
il me répond de sa montagne sainte.
Et pour satisfaire Nicolas je n’ai pas eu le choix : j’ai dénoncé à tout hasard mon voisin, celui dont la peau sombre et les cheveux crépus me laissent penser qu’il habite peut être avec cette femme blanche – qu’il dit être son épouse – dans le seul but de gruger les fonctionnaires sensés assurer la maîtrise des flux migratoires. J’ai bien évidemment appris par cœur quelques articles de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration :
Art. L. 315-1. - La carte de séjour "compétences et talents" peut être accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et du pays dont il a la nationalité. Elle est accordée pour une durée de trois ans. Elle est renouvelable. Lorsque son titulaire a la nationalité d'un pays membre de la zone de solidarité prioritaire, son renouvellement est limité à une fois.
En ces temps incertains, il n’est pas si facile de valider son identité nationale, de prouver son intégration, de montrer que l’on est un bon français ; j’espère que mes actes méritoires feront oublier mes étranges origines étrangères…