J’aime bien les points-virgules

Publié le par PL

J’aime bien les points-virgules ; c’est Caroline Cartier qui m’y a fait penser jeudi dernier sur France Inter ; elle retransmettait les regrets de Sylvie Prioul[1] sur la disparition de cette ponctuation double. Si presque chacune de mes chroniques en est émaillée, il est vrai que ce n’est pas un caractère à la mode. Pourtant, quelle puissance… Combien de fois ai-je hésité ? Une virgule, non pas vraiment ; un point, pas tout à fait ; alors il est là, ce mal aimé, il ne demande qu’à occuper cette place trouble en donnant à la phrase ce rythme si particulier.

C’est chez Zola que j’ai vraiment fait sa connaissance ; avant, il n’était pour moi qu’un vulgaire caractère à destinée informatique et ne me servait qu’à ponctuer de tristes listes. Mais comme le précisait Sylvie Prioul : il n’y a guère que Houellebecq chez nos contemporains qui ose en user ; six dès la première page de Plateforme !

Non, la modernité est soit à la phrase longue, alanguie sur un tapis de virgules, toutes identiques, un paillasson de virgules, sur lequel les mots traînent des pieds, ou encore une forêt de petits cils vibratiles qui s’agitent au passage de ces substantifs, verbes, articles et adverbes, sans trop les ralentir. Mais le summum du modernisme, c’est la phrase courte. Et son paroxysme ? La phrase nominale. Sans verbe. Réduite à l’extrême. Quelques mots. Un mot. Un seul ? Difficile !

Pourtant, il a tout pour être moderne notre point-virgule. Hermaphrodite de la ponctuation il devrait être tendance. Ni tout à fait un point – avec cet autoritarisme à condamner les phrases – ni tout à fait une virgule – avec son laxisme à laisser vagabonder les mots –  il devrait aussi être adoré des centristes. François Bayrou devrait d’ailleurs créer un nouveau parti qui prendrait son nom. J’entends déjà sa déclaration : « On voudrait en France qu’il n’y ait que des points ou que des virgules. Et bien moi, je pense qu’il y a une place pour autre chose, qui ne soit ni complètement un point, ni totalement une virgule… » Mais il paraît qu’il hésiterait plutôt actuellement entre le point d’exclamation et le point d’interrogation ; peut être point d’exclagation ou encore point d’interromation ? Je me fourvoie, le seul qui lui aille vraiment…serait sans doute… points de suspension


[1] Secrétaire de rédaction au Nouvel Observateur. Elle a publié avec Olivier Houdart "L'art de la ponctuation : le point, la virgule et autres signes fort utiles" - Ed. Points (octobre 2007).

 

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